Vous avez peut-être entendu parler des inhibiteurs à protons mais savez-vous dans quel cas sont utilisées ces molécules ? Fortement prescrits en France, ces inhibiteurs sont principalement employés pour traiter des reflux gastro-œsophagien et des
ulcères ou pour prévenir des lésions gastriques lors de l’utilisation d’anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). Cependant, si leurs effets bénéfiques à court terme semblent avérés, un doute pèse sur les risques à long terme. Or, une prescription massive semble se généraliser, sans forcément tenir compte de l’ensemble des facteurs spécifiques requis pour prescrire ces inhibiteurs.
Le fonctionnement des inhibiteurs de la pompe à protons
Les cellules pariétales, composant la paroi de l’estomac, produisent l’acide chlorhydrique, composé de chlore et d’hydrogène, nécessaire au
système digestif. La pompe à protons est un transporteur membranaire actif qui intervient dans ce processus de fabrication d’acide. Son rôle consiste à faire passer les ions H+ (ou protons) de l’extérieur vers l’intérieur de la cellule gastrique. Le résultat de cette action est l’acidification de cette cellule par une diminution de son pH. C’est grâce à ce pH acide que certaines protéines des cellules gastriques sont activées et peuvent ainsi procéder à la digestion des aliments dans l’
estomac. Les inhibiteurs de la pompe à protons, ou IPP, appartiennent à la famille des molécules antisécrétoires gastriques. Leur rôle est d’empêcher le fonctionnement de la pompe à protons, ce qui amène une réduction de l’
acidité gastrique. Le pH habituellement de l’ordre de 1 à 2 va ainsi remonter aux alentours de 4.
Les différents inhibiteurs de la pompe à protons
Dans la catégorie des inhibiteurs de pompe à protons, 5 molécules sont actuellement utilisées :
• le lansoprazole (15 et 30 mg) ;
• le pantoprazole (20 et 40 mg) ;
• l’oméprazole (10 et 20 mg) ;
• l’esoméprazole (20 et 40 mg) ;
• le rabéprazole (10 et 20 mg).
Il existe à ce jour peu de comparaisons directes entre les différents inhibiteurs permettant de faire de claires et significatives distinctions entre les 5 molécules. Concernant le soulagement symptomatique, il est ainsi possible de considérer que toutes les molécules ont une efficacité semblable.
Les troubles digestifs traités avec des IPP
Selon les recommandations des autorités sanitaires, un traitement par IPP peut être prescrit, après endoscopie, dans plusieurs situations cliniques :
• traitement des
reflux gastro-œsophagiens (RGO) sans signe d’alarme, de manière au minimum hebdomadaire, chez un patient de moins de 60 ans ;
• prévention de lésions dues aux AINS pour des patients de plus de 60 ans et/ou avec des facteurs de risque ;
• éradication d’Helicobacter pylori dans le cas d’hémorragies digestives ;
• traitement d’ulcère gastro-duodénal.
La posologie du traitement par IPP dépend de la sévérité des RGO : typiques et espacés, typiques et rapprochés, œsophagite non sévère ou sévère. Si, à l’arrêt du traitement, les rechutes sont rapides ou fréquentes, un traitement d’entretien peut éventuellement être prescrit. Les manifestations extra-digestives isolées telles que la toux chronique, les symptômes ORL, l’asthme, ne sont pas réduites par l’usage d’antisécrétoires.
Les risques potentiels d’une mauvaise utilisation
Différentes organisations sanitaires comme par exemple l’ANSM (Agence Nationale de Sécurité du Médicament et des produits de santé) commencent à alerter sur un usage massif et non justifié des inhibiteurs de la pompe à protons. Une étude menée en 2015 a démontré que quasiment un quart de la population française avait alors reçu une prescription de ces inhibiteurs et que, pour la moitié de ces patients, il s’agissait d’un nouveau traitement, avec quasiment toujours une prescription associée d’AINS, ce qui laisse penser que le but était préventif. La problématique réside dans le fait que, dans 80 % des cas, l’association d’inhibiteurs avec des AINS n’était pas justifiée. Selon l’ANSM, la prévention des lésions gastriques associant une prise d’inhibiteurs de la pompe à protons et d’AINS ne se justifie que dans des cas particuliers :
• le patient a plus de 65 ans ;
• il a déjà eu un ulcère duodénal ou gastrique ;
• il est traité avec un corticoïde, un antiagrégant de plaquettes ou un anticoagulant.
Selon l’ANSM, le traitement par IPP ne doit pas être banalisé, notamment car, si l’utilisation à court terme est généralement tolérée, il pourrait exister des risques dans le cas d’une prise sur le long terme.
Selon certaines études, plusieurs types de risques seraient possibles :
• réduction de l’absorption du fer et de la vitamine B12, engendrant de potentielles anémies ;
• diminution de l’absorption du calcium, pouvant augmenter le risque de fractures et d’ostéoporose ;
• risque de développement d’allergies alimentaires ;
• accroissement du risque d’infections intestinales.